lundi 7 avril 2014

Homdrë (3)

Le silence se fit entendre une troisième fois mais rapidement, une lueur bleue s'intensifia de plus en plus tout autour d'elle à travers les arbres. Bientôt apparut devant elle de manière gracieuse un loup nimbé d'un halo blanc, suivi de près d'un aigle brillant d'or et enfin, plus tardivement mais autrement plus majestueusement, une bête fabuleuse que Myelanyl n'avait jamais vu auparavant. C'est cet étrange animal qui diffusait cette lumière bleue magique. On aurait dit tantôt un cerf, tantôt un être humain. Ou alors un cheval ressemblant à un dragon. Il était difficile de déterminer précisément sa nature comme si elle était en perpétuelle évolution.
Dans un langage compréhensible de la jeune femme, la créature prit la parole :
_ Nous avons entendu ta détresse et avons décidé de te venir en aide. Mais sache que nous apparaissons rarement aux être humains. Par conséquent, lorsque ton enfant aura atteint l'âge de se débrouiller seul, tu nous rejoindras et deviendra l'une d'entre nous en qualité nouvelle de sorcière que nous t'enseignerons. Tu vivras plus longtemps que la plupart des Hommes, tu seras parfois détestée ou admirée. Toujours, tu seras crainte. Mais jamais, tu ne parleras de nous car tu signerais notre déclin. Tu seras le lien entre la nature et l'Homme et dans la discrétion, tu œuvreras à l'harmonie qui fait la vie. Maintenant, va, ton souhait a été exaucé.
L'aigle s'envola trouant le faîte des arbres et projetant une rare lumière solaire sur le visage de Myelanyl. Le loup décrivit un large cercle autour de la sorcière et s'évanouit dans la forêt. La créature, quant à elle, la quitta à reculons et la lumière disparut dans les profondeurs de l'inconnu.
Un mois plus tard, Myelanyl accoucha dans la pénombre de la cabane d'un garçon qu'elle nomma Lodmar. Brurmikk se désintéressa complètement de ce nourrisson. A mesure qu'il grandissait, il posa à peine le regard sur son fils qui apprit très tôt à se méfier de ce père qui le frappait à l'occasion et sans raisons.
Myelanyl n'eut plus jamais peur. Même battue, violée, son sort ne l'atteignait plus. Elle passait ses journées avec son fils à qui elle enseignait tout ce qu'elle savait. L'enfant prit plaisir à grimper dans les arbres et à y construire des cabanes dans lesquelles il pouvait rester des heures et même y dormir toute la nuit. Malgré toute l'affection qu'il avait pour sa mère, Lodmar était sauvage. Passé sa dixième année, il ne cessait d'affronter Brurmikk qui devient à son égard de plus en plus violent. Lodmar gagnait en espièglerie et en cruauté et s'il n'était qu'amour envers sa mère, il rêvait de terrasser son père.
A l'anniversaire de ses quinze ans, il venait d'inaugurer un pont de singe qu'il avait dressé entre deux cabanes. Il aperçut sa mère s'éloigner furtivement de la clairière au lac. Intrigué, il la suivit d'arbre en arbre et s'arrêta dans celui-même au pied duquel Myelanyl scella son destin de sorcière. Caché aux yeux de sa mère, Lodmar ne l'était pourtant pas aux yeux des créatures de la forêt. Tandis que le cerf s'entretenait avec Myelanyl, l'aigle s'envola promptement et de ses serres agrippa Lodmar et le fit chuter au sol près de la sorcière. Myelanyl en sursauta de stupeur mais avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, le cerf s'exprima :
_ Ton fils t'a suivi, il est le fruit de la brutalité et de l'amour. Pendant cinq ans, tu seras formée à la sorcellerie et de toi seule dépendra ta pureté. Ton fils oscillera entre la folie des Hommes et la sagesse qui les mènera à l'éternité. Oublie ne serait-ce qu'un instant ton rôle de sorcière et ton fils penchera un peu plus vers la folie. Sois exemplaire et Lodmar sera à même de maîtriser son propre destin. Mais nul ne pourra prédire s'il choisira en définitive l'ombre ou la lumière.
Puis, le cerf se tourna vers Lodmar qui était à moitié couché et impressionné :
_ Lodmar, tu portes un lourd fardeau et tu seras bientôt mis à l'épreuve. Va, retourne chez toi et décide du destin des Hommes.
Mère et fils partirent ainsi dans deux directions opposées. Lodmar se trouvait désemparé, se demandant ce qu'on attendait de lui. Attendait-on seulement quelque-chose de lui ? Plusieurs mois durant, il vécut seul avec Brurmikk qui ne posa même pas de questions sur l'absence de Myelanyl. Il ne leva même plus la main, laissant son fils encore plus seul.
Un jour, un homme vêtu d'une armure et d'un casque, tenant son épée à la main et son bouclier dans l'autre, déboucha dans la clairière. Ne sentant pas de danger autour de lui, il retira son heaume et s'abreuva au lac. Il se reposait depuis dix minutes lorsqu'il vit de l'autre côté de l'eau, une splendide jeune femme qui l'observait. Son cœur battit la chamade, émerveillé. Il ne pensa même pas à récupérer son arme. Les yeux écarquillés, il parvint à balbutier :
_ Qui es-tu ?
La jeune femme, resplendissante dans sa robe, lui répondit par un sourire qui illumina son visage.

_ Je m'appelle Lodmaël.

mardi 1 avril 2014

Homdrë (2)

Nul ne savait ce que devinrent ces courageux hommes mais toujours est-il que jamais ils ne purent gagner la tanière de Brurmikk. Celui-ci mena une vie tranquille hors de toute crainte. Il séquestra tout d'abord la jeune femme qu'on nommait Myelanyl qui terrorisée, profitait de la moindre occasion pour s'enfuir de sa prison noire. Mais à chaque tentative, elle revenait piteusement sur ses pas, incapable de trouver le chemin de son village. Depuis, Brurmikk la laissa libre d'aller où bon lui semblait, certain de toujours la voir revenir.
Myelanyl finit par se résigner sans penser à choisir une vie solitaire au cœur de la forêt où elle serait toujours mieux que sous le joug de cet homme qui l'hypnotisait de terreur. Peut-être espérait-elle qu'un chevalier valeureux finirait par déboucher un jour, guidé par le destin. C'était bien là le dernier rêve d'enfant qu'elle pouvait imaginer. Son visage doux se marqua rapidement des stigmates de la peur et de la haine à l'encontre de son geôlier et si elle gardait toujours son incroyable beauté, elle avait cependant perdu toute innocence.
Brurmikk ne se désola pas longtemps de son échec subi au village et retrouva sans efforts ses plus bas instincts. Dès le soir de son retour dans sa cabane, sa main entra en action et les coups plurent sur l'infortunée. Sa robe fut retroussée et la douleur pénétra incessamment sa chair tandis que son cou était à demi étranglé pour couper court à toute velléité de rébellion. Heureusement, elle pouvait se réfugier dans la noirceur de la cabane pour pleurer son désespoir sans craindre de subir l'irascibilité de son tortionnaire.
Les jours se succédèrent ainsi sans que rien ne brisât la monotonie de cette routine. Quand Brurmikk partait vagabonder, Myelanyl s'adonnait au seul plaisir qui lui donnait un tant soit peu de baume au cœur : nager dans le lac et sentir l'eau l'envahir comme une illusoire protection. Elle écoutait le bruit des animaux et des éléments naturels qu'elle avait appris à différencier de celui sinistre de l'homme caverneux. Bientôt, elle n'eut plus peur des hurlements de loups au loin ou de l'errance du vent serpentant entre les arbres. Elle se plaisait à imaginer que la nature comprenait sa douleur. Malheureusement, aucun animal, aussi petit fût-il, ne s'approchait près de ce lieu, comme si tout un chacun percevait l'aura maléfique qui s'en dégageait.
Parfois, quand elle entendait Brurmikk revenir, elle se cachait derrière la cascade, collée à la paroi fraîche de la falaise pour retarder de quelques minutes l'inévitable. D'autres fois, elle sortait de l'eau, le corps ruisselant et nu, d'une démarche assurée et avec une lueur de défi dans le regard. Mais Brurmikk n'y prêtait aucune attention et la traitait invariablement de la même façon comme s'il était sourd à toute intelligence.
Il ne parlait jamais même quand Myelanyl tentait d'engager la conversation. Il ne l'écoutait pas, seulement tourné vers ses propres satisfactions et ses occupations. Il ne lui donnait jamais l'occasion, à cause de son hermétisme, de laisser éclater sa colère puisque celle-ci ne rebondissait sur rien qui lui aurait permis d'être soulagée.
Un jour finit par arriver ce qui devait arriver. Myelanyl était partagé entre le bonheur d'élever un petit être et l'angoisse de le voir subir les brimades de son père, si ce n'est pire. Les mois passaient, son ventre s'arrondissait et les bleus sur son corps disparurent un à un car Brurmikk fut pris d'une crainte instinctive devant un événement qui ne correspondait pas à son univers familier. Toutefois, cela était bien relatif car cela ne l'empêchait pas d'abuser d'elle.
A l'entame du dernier mois, Myelanyl ressentit en elle un profond avertissement. Elle s'exila durant quelques jours et s'arrêta au pied d'un arbre envahi par la mousse qui lui procura une assise confortable. Elle sonda l'obscurité de la forêt et d'une voix puissante, elle lança cet appel :
_ Ô animaux de la forêt, je viens à vous pour vous supplier. Faites que ma fille que je porte en mon ventre naisse garçon et ne puisse jamais subir le même mal que sa mère.
Elle attendit que l'écho de sa voix se laisse submerger par le silence mais rien ne vint.
_ Ô soleil inatteignable, ô vent invisible, ô éléments qui font de cette forêt une terre inviolée, je viens à vous pour vous supplier. Faites que ma fille que je porte en mon ventre naisse garçon et ne puisse jamais subir le même mal que sa mère.
Elle attendit que l'écho de sa voix se laisse submerger par le silence mais rien ne vint.
_ Ô nature indomptable dont la fierté jamais ne faiblit, je viens à vous pour vous supplier. Faites que ma fille que je porte en mon ventre naisse garçon et ne puisse jamais subir le même mal que sa mère.

lundi 31 mars 2014

Homdrë (1)

Il y a très longtemps, Homdrë était une cité prestigieuse qui rivalisait d'orgueil avec la capitale du royaume d'Opulence, Voldrë, au point que ces deux villes furent pendant un temps surnommées Les Deux Capitales.
Mais bien plus longtemps encore avant, Homdrë n'était rien tandis que Voldrë était la seule ville d'importance du sud du continent. Homdrë n'avait pas de nom, pas d'existence. Seul, dans la forêt profonde, terre de superstitions, un homme vivait en reclus dans une cabane en bois mal assemblée d'où ne perçait qu'une fenêtre à peine plus grande qu'une meurtrière et une petite porte par laquelle il entrait, penché et de biais. Cet homme s'appelait Brurmikk...
Son histoire était celle d'une légende qui se transmettait de génération en génération dans les villages du sud ouest d'Opulence qui n'était pas encore alors un royaume uni. Brurmikk était décrit invariablement comme un être de grande corpulence dont le visage était noyé par la barbe et la chevelure hirsutes et d'où ne ressortaient que ses yeux sombres au milieu desquels brillait de la haine farouche. On disait qu'il avait fui la compagnie des Hommes après qu'il se fut rendu coupable d'un crime dont la description était laissée à la libre imagination des conteurs et conteuses. Brurmikk s'était enfoncé profondément dans la forêt de sorte que personne ne risquait jamais de le croiser. Il avait fini par arrêter sa course au pied d'une cascade qui se déversait dans un petit lac abrité par les arbres centenaires. On prétendait que la rivière qui s'en écoulait était celle qui traversait tous les villages du pays et qu'il lui suffisait simplement de suivre son cours pour venir la nuit tombée dévorer les enfants dans leur sommeil mais que si l'on écoutait attentivement, ses pas résonnant lourdement précédaient sa venue et donnaient le temps à tout un chacun de se réfugier dans le château du seigneur.
Au flanc de la falaise d'où chutait la cascade, Brurmikk avait bâti sa demeure à la va-vite. L'obscurité y régnait et lorsqu'il y attisait un feu, la fumée sortait de la cabane par les interstices et si l'on contemplait ce spectacle, on pouvait croire à un diable au repos. On ne savait au juste ce que Brurmikk faisait de ses journées, on présumait qu'il chassait de ses mains nues pour se nourrir et que le temps restant, il ruminait sa haine d'heure en heure grandissante.
Un jour, alors que tout le monde s'était félicité de son absence et avait oublié son existence, il décida de revenir au village qui l'avait chassé. Avant de sortir des arbres et de sa cachette, il observa longtemps l'activité qui y régnait. Le seigneur sur son cheval se promenait tranquillement parmi ses sujets qui travaillaient sous le soleil brûlant d'été. Brurmikk cristallisa sa haine envers cet homme richement vêtu et s'élança brusquement dans un fracas de branches cédant sous sa poussée. La panique gagna le village, les uns coururent se réfugier tandis que les autres se saisirent de leurs outils comme des armes pour affronter l'intrus. Brurmikk ignora la menace et se concentra uniquement sur le seigneur qu'il désirait tuer. Ses bras lourds comme des gourdins écartaient le danger avec une aisance impitoyable et l'issue de la bataille ne faisait aucun doute. Pourtant, un élément desservit l'ermite. Reclus depuis des années dans l'obscurité de la forêt, il fut aveuglé par la clarté du jour. Plus il avançait, plus la douleur était grande faisant pleurer ses yeux des larmes de sang et moins il était capable de voir. Presque arrivé à la hauteur du seigneur, il ne fut plus en mesure de le repérer. Ses bras se tendirent en avant et, comprenant son échec, il se saisit au hasard de la première personne que ses mains rencontrèrent. Il s'agissait de la fille même du seigneur qu'elle avait décidé d'accompagner. Les conteurs se plaisaient à la décrire comme la plus belle femme qui ait vécue au royaume d'Opulence et à dire qu'il n'y eut plus jamais eu d'aussi belle depuis. Brurmikk la saisit à la taille et la soulevant contre son flanc, il regagna la forêt le corps criblé de coups et de projectiles.
Il ne recouvrit jamais complètement la vue mais suffisamment pour semer ses poursuivants qui ne s'étaient jamais aventurés dans la forêt jusqu'à ce jour. Le seigneur, fou de rage et de tristesse, envoya ses dix meilleurs hommes parmi ses soldats à la recherche de sa fille et leur ordonna de ne revenir qu'avec elle sous peine d'être décapité de sa propre main. Hélas, chaque année, à la même date, il envoyait ses dix meilleurs hommes sans que jamais un seul ne revint. On en envoyait encore qu'il était mort depuis belle lurette. Cette aventure devint au fil du temps un rite d'initiation pour tous les jeunes gens en âge de devenir des hommes. La plupart s'engageait en espérant débusquer un fabuleux trésor ou terrasser un monstre légendaire. Or, bien souvent, ils ne revenaient qu'avec des prises de chasse ordinaire, telles des cerfs ou des sangliers.

lundi 3 février 2014

Un rêve triste

     Je monte quelques marches qui donnent sur une large esplanade dallée qui sépare la plage d'un bâtiment de plusieurs centaines de mètres de long. Le ciel est aveuglant comme tout le reste qui est d'une blancheur pâle. Le bâtiment est orné de gigantesques sculptures représentant des formes vaguement humaines à la matière cireuse et translucide.
     Tâche sombre dans ce paysage, Sharmila vient à ma rencontre, vêtue comme une femme d'affaires. Ses longs cheveux noirs tombent en dessous de la taille. Sa peau a le teint particulier des indiens. Elle me sourit.
_ Bonjour, Béranger. Cela faisait longtemps qu'on ne s'était pas vu.
     Je lui souris en retour, je ne sais pas trop comment la regarder.
_ Bonjour. Tu n'as pas changé. J'écoutais la radio dans la voiture quand j'ai entendu une interview de toi. Je n'ai pas reconnu ta voix mais je n'ai pas oublié ton nom.
     Elle se croise les bras et un voile de tristesse s'abat sur son visage.
_ Tu es donc la femme de celui...
_ … qui existait sans existence. Une tournure de journaliste qui n'a aucun sens.
_ J'ai été ému par ton témoignage. J'ai voulu venir te voir.
     Sharmila me regarde de ses yeux francs, sans laisser sa pudeur dissimuler sa souffrance. Elle semble à la fois nue et habillée d'une dignité de velours.
_ Je l'ai tellement aimé... Il a accepté de m'ouvrir les portes de ses rêves et j'ai accepté de l'accompagner dans ses voyages. Nous sommes allés loin, nous avons vécu de manière intense.
     J'hésite à la prendre dans mes bras mais je n'en fais rien. Nous approchons du sable, un vent léger se lève et tourne autour de nous. L'instant s'étire et le temps devient élastique.
_ Quand je t'ai connue, tu étais une sorte d'exilée qui avait presque fait le tour du monde. Tu possédais un charisme certain comme si rien ne pouvait t'atteindre. Maintenant, tu es plus belle que jamais, j'ai l'impression de découvrir ta vraie nature. Parfois, quand on finit par trouver ce qu'on cherche, cela nous rend triste. Je me demande si l'éternité commence dès ce moment ou s'il est possible de vivre une nouvelle jeunesse.
     Sharmila ne se formalise pas de ce que je viens de dire. Elle ne dit rien, toute à sa tristesse, comme si elle voulait me signifier que j'étais loin de tout comprendre. Sans doute. Je me contente d'imaginer et d'apporter mon soutien qui vaut ce qu'il vaut. Est-il possible d'aimer et d'admirer une personne à la fois ? Peut-on être aimé par une personne qu'on admire ? Parfois, nous sommes des solitudes qui s'assemblent.
     Comme on n'avait plus rien à se dire, on s'est quittés.
_ A bientôt. Ça m'a fait plaisir de te revoir.

     Je quitte l'esplanade par là où je suis arrivé et je monte dans ma voiture. En compagnie de mon père et de mon frère, nous partons je ne sais où.

samedi 21 décembre 2013

Flick dans la Galaxie ! (9)

épisode 9 : Ause a une faveur à demander

Le lendemain, le silence était toujours de mise. Le reste de la nuit avait été court mais relativement serein. Malgré la frayeur de la veille, les trois compères s'étaient décidés à retourner à la résidence s'assurer de la présence de la chose. Surveiller sa détention était finalement bien plus tranquillisant que son absence. Ils avaient ouvert la porte en grand et bondi aussitôt en arrière, craignant qu'elle se fût tapie juste là à attendre qu'on la libère. Mais il n'y avait personne. Ils arpentèrent chaque pièce méticuleusement mais toutes étaient vides. C'était une fenêtre laissée ouverte qui mit fin à leur étonnement. Un frisson glacé leur parcourut l'échine à l'idée qu'elle avait pu s'introduire dans le bungalow pendant leur sommeil, tout de suite relativisée par la veille effectuée par Flegvant. Ils pensèrent que la chose avait dû s'aventurer dans la jungle. Après tout, c'était la première fois qu'ils avaient fait sa rencontre en un mois de colonisation. Vu l'échelle de la planète, ils pouvaient très bien ne pas la revoir avant un an, dix ans ou plus ! Mais en même temps, peut-être n'était-elle pas seule.
Flick se rendit dans son jet afin de faire son rapport de police à sa hiérarchie. Mais avant même d'avoir sélectionné la bonne fréquence, il fut rejoint par Ause. Il l'interrogea du regard mais elle semblait tourner autour du pot.
_ Qu'allez-vous dire dans votre rapport ?
_ Que voulez-vous que je dise ? Ce qu'il s'est passé, évidemment.
_ Vous allez mentionner cette... chose ?
_ Oui, bien sûr. Je demanderai à ce que des hommes soient déployés pour votre sécurité. Soyez tranquilles.
_ Justement... On aimerait autant que vous n'en parliez pas.
_ Mais... Comment ça ?
_ Ce chantier rapporte beaucoup à notre société et nous avons peur qu'une menace de la sorte fasse tout capoter.
_ Je comprends... Mais je suis obligé de justifier la disparition à mes supérieurs et à sa famille.
_ Vous n'avez qu'à dire qu'il a été entièrement désintégré par votre laser et que vous avez agi en légitime défense.
_ C'est impossible ! Un flic de mon rang n'a pas la permission de posséder des armes aussi dévastatrices. Je peux tuer, oui, mais pas désintégrer.
_ Dans votre commissariat, il n'y a pas ce genre d'armes ? Ne pourriez-vous pas prétendre que vous vous êtes trompé en venant ici ?
Flick était interloqué. Ause lui parlait avec un culot qui lui paraissait inhabituel.
_ Comme vous y allez ! Même à supposer que je dise ça, je risque gros, je pourrais me retrouver à la rue, si ce n'est pire.
Ause sentit qu'elle commençait à aller trop loin et tenta de se faire moins pressante.
_ J'ai conscience que je vous en demande beaucoup. Mais si jamais vous vous retrouviez sans emploi, je peux solliciter ma direction pour vous embaucher pour notre sécurité sur cette planète. Vous êtes entièrement indiqué pour.
_ Mais je n'ai aucune envie de m'éterniser ici ! Et puis vous-même, vous n'allez pas rester seuls ici.
_ Des remplaçants viendront à la place de ceux qui sont morts.
La conversation tournait en rond. Flick cherchait des arguments à lui opposer, en vain. Puis une réflexion lui vint.
_ Vous m'avez dit hier que Bearson avait les moyens de parer à n'importe quelle menace... Ne seriez-vous pas en train de me cacher quelque-chose ? Le chantier est-il vraiment la seule raison de votre insistance ?
L'atmosphère changea brusquement et se mua en une chape de tension. Un silence lourd s'installa.
_ Qui croyez-vous servir, Flick ? dit Ause avec une gravité nouvelle dans la voix.
_ Je sers la loi. Ce que vous me proposez n'entre pas dans la légalité. Pour quelle raison devrais-je vous écouter ?
_ Parce que la justice n'est pas toujours du bon côté. Ne vous demandez vous jamais dans quel monde vous vivez ? Vous êtes un flic qui se contente d'obéir aux ordres et d'arrêter les personnes qu'on vous dit d'arrêter parce que leurs crimes ont l'apparence de crimes. Vous agissez parce que vous savez qu'un vol, qu'un parjure ou que sais-je doit être puni. Mais vous ne cherchez pas à savoir les motifs de tels gestes, vous n'êtes pas payé à réfléchir. Et même, si vous en tuez quelques-uns en route, on ne vous le reprochera pas car cela en arrangera certains, loin là-haut dans une sphère que vous ne pouvez pas atteindre.
Flick, en écoutant ce déballage avait perdu de son assurance. Pas parce qu'il était tombé d'accord avec elle mais parce qu'elle l'obligeait à réfléchir à des sujets qui le dépassaient, il était bien obligé de l'admettre. Il s'apprêtait à lui répondre mais le doute s'était insinué en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire et cela l'agaçait fortement. Il se mit à tourner en rond dans son jet mettant à bout la patience d'Ause.
_ Alors ?
Alors, Flick croisa les bras, il avait pris sa décision.

Quelle décision a-t-il prise ? Va-t-il respecter sa fonction ou s'affranchir pour une cause plus noble ? Réponse au prochain épisode...

mercredi 18 décembre 2013

Flick dans la Galaxie ! (8)

épisode 8 : L'affaire prend de l'ampleur

Celle-ci se prolongea, semblait durer une éternité. Les trois humains ne baissaient pas la garde. Tout était silence et immobilité. Flick se décida à parler :
_ Je crois bien qu'elle ne peut pas sortir d'ici.
Flegvant et Ause poussèrent un soupir de soulagement et leurs épaules s'affaissèrent dans un geste de détente retrouvée. Flick s'approcha de la fenêtre mais ne vit rien à l'intérieur de la résidence. Flegvant s'écria:
_ Et Psir ! Qu'avez-vous fait de Psir ?
Ause formula ce qu'ils n'avaient pas encore eu le temps de s'avouer à eux-mêmes :
_ Il est... mort.
_ C'est... cette chose qui... ?
_ Oui.
Ause frissonna et se croisa les bras pour se réconforter. Elle marcha d'un pas hésitant. Les hommes la suivirent et se retrouvèrent au bungalow.
_ Je crois que le danger est écarté, on n'a plus rien à craindre. Allez vous reposer. Dans le doute, je monterai la garde.
_ Non, Flick, s'opposa Flegvant. Vous n'avez pas dormi de la nuit. C'est moi qui vais veiller, ne vous en faites pas.
Flegvant jeta un coup d'oeil vers Ause qui avait retrouvé son austérité. Ils s'échangèrent un regard entendu.
_ Bon, d'accord. Demain matin, je ferai un rapport à mon chef.
Flick suivit Ause qui se dirigeait vers la chambre. Quand la porte se fut refermée, Flegvant garda les yeux rivés sur elle quelques instants puis alla faire une ronde dans les alentours. Lorsqu'il fut sûr que rien ne rodait dans les parages, il marcha d'un pas rapide vers un minuscule cabanon en tôle. Avant d'y pénétrer, il surveilla ses arrières. Il constata que la lumière dans le bungalow était éteinte et se cloîtra dans la pièce exiguë. Une ampoule nue se balançait au plafond. L'éclairage était faible et donnait une ambiance feutrée. Sur une table était installée un dispositif de communication clandestine. C'était un petit appareil facilement transportable en cas de nécessité. Le tout était escamoté par le coffrage d'une installation électrique qui alimentait tout le secteur du chantier. Grâce à un bouton factice, Flegvant ouvrit la cachette et fit ses manipulations en vue d'un appel extérieur à la planète. Le casque sur les oreilles, le micro à la bouche, il attendit.
Communiquer clandestinement était facile dans la Galaxie. La multiplication des planètes était autant de de relais satellites qui brouillaient les pistes. En contrepartie, il fallait avoir beaucoup de patience pour mener à bien une conversation entre le nombre d'intermédiaires téléphoniques et le décalage interplanétaire inévitable.
Au bout de dix longues minutes, il donna à son premier interlocuteur un mot de passe qu'il répéta à cinq autres personnes. Enfin, après une demi-heure de démarches, Flegvant était en mesure de parler à la personne désirée.
_ Allo ?
_ L'ours a trouvé une ruche.
_ Dans quel arbre a-t-il grimpé ?
_ Le 7832ème  en partant à l'est.
_ Il a trouvé beaucoup de miel ?
_ Et bien...
_ Qu'y a-t-il ? Tu ne m'as pas appelé pour rien, j'espère ?
_ Non, non ! Je veux dire... Nous n'avons... Enfin, l'ours n'a pas trouvé de miel mais il est tombé sur quelque-chose de plus, disons... appétissant !

Que signifie cet appel ? A quelle obscure organisation Flegvant appartient-il ? Il va falloir attendre pour le découvrir un prochain épisode.

mardi 17 décembre 2013

Flick dans la Galaxie ! (7)

épisode 7 : Piégés dans la piscine

La chose était à moins d'un mètre de ses proies ! Paniqué, Flick avait le cerveau en ébullition. De toute évidence, ils n'avaient pas le temps de sauver Psir même avec l'énergie du désespoir. Mais Flick  ne pouvait s'y résoudre et cherchait la solution miracle qui tomberait du ciel, l'idée de génie qui mettrait fin au cauchemar. Dans la seule seconde qui lui restait, une seule décision s'était imposé.
_ Désolé, Psir.
Flick sauta sur l'échelle in extremis et abandonna Psir à la chose. Son seul espoir était que cette créature n'aie pas d'intentions hostiles. Or, la chose avait atteint les chaussures de Psir.
_ Non ! Non !! Ne me laissez pas !
Elle enveloppait progressivement l'infortuné en commençant par les jambes puis les hanches avant de l'engloutir tout à fait tout en continuant son chemin. Flick et Ause reculèrent horrifiés et fascinés. L'angoisse était d'autant plus grande que les cris de Psir d'abord assourdis par la chose s'étaient tus. Sans réussir à prendre véritablement la fuite, les deux humains se dirigeaient, toujours à reculons, vers l'escalier. La chose était en train de remonter la piscine sans souci de la verticalité de la paroi. Un instant, ils crurent qu'elle s'en allait dans une autre direction mais brusquement elle se mit à les poursuivre.
Comme elle s'éloignait de la piscine, son fluide quitta le corps de Psir. Horrifiés, Flick et Ause constatèrent qu'en fait de cadavre, il ne restait plus rien. Ou plutôt, ses habits et ses chaussures gisaient par terre. Mais de Psir, rien ! Il avait disparu sans effusion de sang ni aucune autre trace identifiable. Flick en était convaincu, ils ne reverraient plus jamais Psir et pouvaient bel et bien le considérer comme mort. Toutefois, ils n'étaient pas au bout de leurs peines. Sans moyen de lutte, comment pouvaient-ils espérer échapper à la créature ?
Ause grimpa l'escalier quatre à quatre en hurlant :
_ Flegvant, vite ! Descend !
Celui-ci les rejoignit dans le hall d'entrée, à peu près remis de ses émotions.
_ Qu'est-ce qu'il se passe ? Vous avez eu Psir ?
_ Vite, sors tes clés et ouvre-nous la porte ! Dépêche-toi !
Il ne se fit pas prier mais lorsque Flick braqua la lumière sur la cage d'escalier, il s'arrêta net. A son tour, il découvrit éberlué la chose qui venait de déboucher du sous-sol. Elle se présentait debout, si tant est qu'on pouvait dire cela, d'une taille de trois mètres environ. Les trois humains se voyaient parfaitement en elle comme dans un miroir. Une onde concentrique les hypnotisait peu à peu. Flick lâcha le projecteur de sa main engourdie et l'effet hypnotique s'évanouit aussitôt.
_ Vite ! Ouvre cette porte !
Ils se pressèrent contre le battant. Flick éclaira la serrure pendant que Psir tremblait de tous ses membres sans parvenir à insérer la clé. Savoir que la chose approchait sans un bruit dans le noir complet générait une peur sans nom.
Soudain, la porte finit par s'ouvrir. Flick se retourna. La chose n'était plus qu'à deux mètres ! Une fois dehors, ils refermèrent la porte et reculèrent de quelques mètres. Le coeur battant, ils scrutèrent le bâtiment qu'ils venaient de quitter dans une attente anxieuse.

La peur habite BS-7832. La chose va-t-elle sortir de la résidence ? Retenez votre souffle avant le prochain épisode.